Nath Sakura par Jean Paul Gavard-Perret

De l'un à l'une

Ainsi dénudé, l’œil dévoile, car la photographie dénude l’œil qui dévoile. Même s’il ne reste rien du premier miroir où le visage perdu au-dessus d’une épaule nue s’est mis aux arrêts de l’autre non encore advenu. La première fois demeure toujours seconde.
Manière de mettre de la distance et d’affranchir le regard. C’est le miroir qui s’immisce et glisse entre l’être non pour le diviser mais le réunir : l’un devient le désir, l’autre l’aveu du masque. Deux anges donc : dont le miroir montre le sillage et le sillon..
Le regard est en ce sens objet de perdition, la lumière un crime et le masque un nécessaire arrachement. D’une de ses mains Nath-Sakura tendit le miroir, de l’autre le fit trembler. Ce qui dénude n’est pourtant pas le masque mais l’œil en son fond. L’œil du miroir dénude le masque pour perdre le visage puisqu’il ne se reconnaît plus. C’est l’annonce du silence dont le corps porte la preuve tant qu’il demeure vivant.
Le désir défait l’apparence. Plus tard la photographie défait le regard et fait le désir. Sans le désir on reste prisonnier, on retourne contre soi-même des rêves de nausée. On reste l’autre qu’on refuse reconnaître : celui que l’on a cru voir et qui n’était pas sûr d’être lui-même. Qui se prend pour un autre, qui passait sans se voir. La photographie rapproche de l’inconnu, atteint son énigme. Faire de l’autre, le vrai l’hôte que le miroir ôtait jadis en quête de ce double avide et nécessaire.
Nath-Sakura ne laisse pas la proie pour l’ange et la bête en otage (spectre fardé d’un autre qui n’est pas). Afin de rendre évidente toute ressemblance l’artiste traverse le miroir comme une page où rien ne s’écrit. Il y a donc un moment où Narcisse ne possède plus de nom. Juste un matricule, un numéro : Nar 6. Tout est ravi, livré. Le regard esquive plus qu’il n’esquisse. Son masque s’avoue et se dissipe. Soudain le miroir se fend le miroir comme un oiseau fend l’air dans le voir et le nu. Nath-Sakura est entré dans le miroir pour prendre congé : le visage y traverse son masque sans être reconnu.
Et s’il fallait chercher l’ombre du miroir sous la photographie ? L’artiste s’offre en effaçant le masque. Cet écart sauve de soi : la photographie est le miroir brisé du simulacre. Elle est la vision remisée de l’aveu jusque là contrarié. Un fantôme est venu. Par le seuil de la métamorphose, la libération escomptée. Elle s’accompagne de la solarité du cri de joie de la délivrance mais du cri de douleur aussi.
Il faut à toute photographie son exode puisque le temps emporte jusqu’à l’ombre de l’image – celle déjà capturée et celle à venir. Celle qui se crée à la lumière présente, qui cherche à déployer la nudité du nocturne dans l’approche du néant.
De lui, sans doute, part le sentiment du divin – et non l’inverse. La photographie fonde ce que l’artiste est devenu dans la précaire « assurance » qui l’habite. Souffle de l’origine, de la « nuit sexuelle » qui tente, tant que faire se peut, de se respirer d’ailleurs. Comme le rien de la photographie l’artiste échappe au monde en étant rien sans lui. Il est son rien d’autre. Il reste son insondable priorité d’origine réelle. Son approche atteste l’absolu du rien, du tout. Il les nie autant qu’il les appelle. Il nie l’art comme il l’appelle.

Article du blog de De l'un à l'une de Blog de Nath Sakura

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"Photography is a favourite toy on time freezing, time what we could always turn back, scroll once again, look more steadfastly … We are – our photos. We simply flow in them gradually. Hah, sure – such a chance to receive immortality for all length of exposure." - Evgenija Bitter


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